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Tous les phénomènes macroscopiques obéissent à une règle entropique qui sous-tend le fondement de la loi énoncée par le second principe de la thermodynamique (régissant les systèmes isolés qui ne peuvent que subir une entropie croissante). C'est ce second principe de la thermodynamique qui fournit au temps son irréversibilité. Temps et énergie sont de par ces définitions des grandeurs souvent corrélées, même s'il arrive que se soit par des relations d'incertitude (par exemple dans les rapports entre temps et énergie en physique des particules). Malgré tout, ce lien entre temps et énergie a permis de construire les plus précis actuellement des instruments de mesure du temps, les horloges atomiques. Il a également fourni une définition officielle de l'unité de temps, qui, depuis 1967 correspond à "la durée de 9 192 631 770 périodes de l'onde magnétique émise ou absorbée par un atome de celsium 133 correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins lorsqu'il passe d'un certain niveau d'énergie à un autre."

En réaction aux paradigmes de la dynamique classique dont les règles furent établies au XVIIIème siècle par Isaac Newton, le grand chimiste et physicien Illya Prigogine a, au XXème, préféré refuser de s'en tenir aux modèles déterministes prônés par la physique classique : dans ces modèles, le temps se révèle n'être qu'une illusion : c'est donc indûment que Leibniz pouvait dire que "les causes pleines donnent toutes des effets entiers".

De Newton à Einstein la dimension du temps n'appartient qu'à notre esprit humain. Newton considère les lois de la nature fixées à jamais, identiques dans le passé comme dans l'avenir.Einstein, lui, achève de prouver que le temps n'est qu'illusion et que seules les limites de nos connaissances nous empêchent de prédire le futur avec exactitude et certitude :
"Sans doute verrons-nous, dans le siècle qui s'engage, se développer une nouvelle notion de rationalité dans laquelle la "raison" n'est plus associée à "certitude", et la "probabilité" à l'"ignorance". C'est dans ce cadre que la créativité de la nature et donc en particulier celle de l'homme trouvent la place qui leur revient."

Avec ses travaux sur la relativité générale, Einstein rend caduque la notion de temps universel et détruit la construction newtonienne d'un espace absolu. Le concept d'espace-temps a été inventé en physique moderne pour observer des événements possédant une vie propre, à la fois dans l'espace et dans le temps. À partir des formules d'Einstein prouvant qu'il fallait attribuer une valeur finie à la vitesse de la lumière, on put vérifier que l'espace se contracte et que le temps se dilate quand un observateur juge de phénomènes associés à un autre système de référence que celui auquel il est rattaché.

Le XXème siècle s'est donc chargé de réintroduire la "flèche du temps", et a fourni une histoire aux événements. Prigogine peut donc annoncer "La fin des certitudes" (1996)

Prigogine démontre qu'il a fallu se permettre quelques approximations pour pouvoir aborder les situations complexes. La dynamique classique n'a pu construire certaines lois (théorèmes, axiomes, ...), considérées depuis comme des certitudes, qu'en introduisant une nécessaire intemporalité.

Dans sa démonstration, il commence par montrer que les systèmes vivants sont tous des systèmes instables (ce qu'il appelle des systèmes "dissipatifs") : aucun futur n'y est prévisible à partir du seul présent. Seules des "probabilités d'états" (de phases) sont envisageables. On ne peut ignorer cette incertitude ; car on s'aperçoit qu'elle est au cÂœur de la créativité de l'homme. Le temps que Prigogine réintroduit dans la détermination des événements permet la créativité.

Flêche du temps

Pour Prigogine, certains événements ont, dans l'évolution, transformé le sens de la vie, devenant à cet égard porteur de sens. C'est ce qu'il appelle des points de bifurcation. Il montre que certaines bifurcations ont permis de nouvelles cohérences, c'est-à-dire un nouvel ordre. À ce titre, elles ont été créatrices : ces cohérences nouvelles naissent de processus irréversibles, qui ont donc une direction assignée par la flèche du temps, qui s'auto-organisent en s'éloignant de l'équilibre. L'auto-organisation d'une structure (sociétés, villes, matières vivantes, musique) apporte la nouveauté, transforme le bruit (non au sens de nuisance, mais de désordre informationnel) en ordre : von Forester en avait tiré ce qu'il avait appelé le principe d'ordre à partir de bruit (order from noise). L'évolution n'est pas une adaptation ; le temps construit un certain ordre à partir de structures dissipatives ; certains "accidents" de l'histoire lui fournissent un "sens".

L'expression "flèche du temps" est empruntée à Sir Arthur Eddington, qui fut le premier à en faire mention dans son ouvrage The Nature of the Physical Word (1928). Nous nous sommes tous amusés à visionner des films projetés en marche arrière: les vases brisés s'y recollent miraculeusement et les voitures accidentées reculent à pleine vitesse vers la route où elles roulent à nouveau en pleine forme. Dans notre quotidien de tels phénomènes sont impossibles : la flèche du temps pointe toujours dans le même sens, du passé vers le futur. Les principaux travaux du XIXème siècle, ceux de Darwin sur l'évolution du vivant, ceux de Boltzmann sur la dynamique des gaz, et bien d'autres encore, vont dans le sens d'l'èvolution crèatrice de la flèche du temps.

Temps et musique

Des approches totalement déterministes nient complètement le libre arbitre ou même la créativité. Or la créativité demeure en fait le moyen idéal de participer au processus qui inscrit l'homme dans le temps de l'évolution. La musique est par excellence cet art de la création du temps, de la création dans le temps de mouvements énergétiques . Les phénomènes sonores, bien qu'irréversibles, parviennent ainsi à une cohérence en s'éloignant de l'équilibre énergétique, comme des systèmes dynamiques situés à des positions limites.

Sur le temps,

"Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus! Et pourtant, je le dis en toute confiance, je sais que si rien ne se passait, il n'y aurait pas de temps passé, et si rien n'advenait, il n'y aurait pas d'avenir, et si rien n'existait, il n'y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d'être alors que le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore? Quant au présent, s'il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité. Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu'en passant au passé, quel mode d'être lui reconnaître, puisque sa raison d'être est de cesser d'être...  

Il est évident et clair que ni l'avenir ni le passé ne sont, et qu'il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent et l'avenir, mais qu'il serait exact de dire : il y a trois temps, un présent au sujet du passé, un présent relatif au présent, un présent au sujet de l'avenir. Il y a en effet dans l'âme ces trois instances, et je ne les vois pas ailleurs : un présent relatif au passé, la mémoire, un présent relatif au présent, la perception, un présent relatif à l'avenir, l'attente..."

St AUGUSTIN - Les confessions - L.11, chap. XV

"Le futur, ce n'est pas ce qui va arriver, le futur, c'est ce que nous allons faire" , G BACHELARD

"Il n'y a que du présent : ce que j'écris ici, ce que j'en pense, se situe toujours dans le présent, et quand vous le lirez, dans votre présent à vous lisant, vous verrez ce qu'il en allait de mes pensées.
C'est comme avec la lumière et les étoiles, si vous remontez le rayon de lumière il vous parle d'un présent qui a mis 10 milliards d'années lumière pour vous parvenir ; vous croyez qu'elle vous parle du passé alors que c'est du maintenant de l'univers, d'un présent qui n'est pas le votre : comme Einstein le disait il n'y a pas de simultanéité.
Parce que nous vivons toujours au présent nous sommes soit le passé soit le futur des autres seulement.
Le passé a été et le futur sera, seul le présent est." , H REEVES

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